rappel géographique

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Un détour par l'Argentine



    ... détour nécessaire pour rejoindre le sud du Chili, la région des Magallanes, qu'il est impossible d'atteindre par voie terrestre (la route s'arrête au sud de Villa O'Higgins, s'en suit une multitude de petites îles). 

    Les cartes d'Argentine n'indiquent que quelques villes au sud, qui se comptent sur les doigts d'une main, et j'ai enfin compris pourquoi: en fait il n'y a rien d'autre. Absolument rien. C'est la pampa, bien comme on l'imagine: plat, grand, et vide. Et venteux aussi. On roule en bus pendant des heures sans rien croiser, toujours le même paysage immense et désertique, sans arbres ou presque, sans relief jusqu'aux montagnes, quelques troupeaux de moutons, un lama parfois, et des Nandu de loin. 







     L'arrivée à El Calafate surprend: au milieu de cet immense "rien" surgissent d'un coup des maisons, des cables électriques, une ville,   
     La bonne surprise de l'Argentine, c'est d'enfin réussir à communiquer facilement, et de ne plus avoir à demander "Pardón ? Disculpa ?..." (ou pire, faire semblant de comprendre en souriant, ce qui met tout le monde mal à l'aise). Même si les "ll" et les "y" se prononcent "ch", au moins les mots sont dits en entier et à un débit audible pour un simple mortel. 
    La mauvaise surprise (oui toujours pour égaliser), c'est les banques, encore récalcitrantes à ce que je retire des sous. Chaque banquier donne une reponse différente au problème, mais pas de solution. J'ai donc galéré un moment, avant de changer mes derniers derniers euros, et de comprendre qu'en fait, si les machines ne veulent pas me donner d'argent, c'est qu'elles n'en ont pas. À ce qu'on m'a expliqué, le pays connaît une inflation folle, qui laisse parfois les distributeurs vides, et qu'il faut contourner par le change de la rue, avec des dollars ou des euros (dommage, j'en ai plus).

Mais bref. 
Arrivée bien déphasée à El Calafate après la nuit dans le bus. La ville n'a pas grand intérêt, si ce n'est une auberge bien sympa avec des francais pour jouer aux cartes. 


En revanche, à une quarantaine de kilomètres, le parc national des glaciers, avec le magnifique, incroyable, époustouflant Perito Moreno.



    Un défi photographique serait de parvenir à rendre la même impression en photo que face à ce glacier. 

Son nom vient de l'explorateur Francesco Moreno, qui a arpenté la Patagonie au XIXe siècle (mais qui n'a en fait jamais vu le glacier, allez comprendre). Il mesure 14km de long, 4km de large, et culmine à près de 50 mètres au dessus de l'eau. Autant dire qu'on se sent tout petit. Et on se sent carrément nain quand on apprend qu'il n'est en fait qu'une terminaison du gigagigantesque "Hielas Continentales", un glacier de 500km de long, à cheval entre l'Argentine et le Chili. 



    En plus d'être un plaisir à regarder, c'est toute une musique ce glacier. Il grince, gronde, craque, et résonne. Des morceaux de glace (grands comme une voiture) se détachent et s'effondrent dans le lac, formant des petits icebergs qui flottent à la dérive ("sur la rivière du souvenir, lalala"). 












Le Chanchol,
ou la version Punk du moineau européen (crète et cou rouge)


     Voilà, un court crochet par l'Argentine, avant de reprendre la route plate et longue vers Puerto Natales au Chili. Mais de jolies couleurs, il faut quand même le reconnaître. 



La carretera austral, "que guay huevon"





    Dimanche 30 novembre, départ pour la Carretera Austral. Une route commencée en 1976, qui prolonge la Panaméricaine (laquelle naît en Alaska !) et qui permet d'aller jusqu'á Villa O'Higgins, la ville du Chili la plus au sud à laquelle il est possible d'accéder par voie terrestre. 1200 km de paysages incroyables (je n'en ai vu qu'une petite partie). 
Une nuit à Puerto Montt (à l'hospedaje "Sofía", et on a même pas fait exprès), avant de prendre le bus le lendemain matin.




    Dix heures de trajet entre bus et ferry, pour 200km... Ca donne une idée de l'état des routes. On passe dans des fjords, on roule sur des chemins caillouteux. La région de la carretera austral est la moins peuplée du pays (1 habitant au km2). Un désert humain donc; la ville la plus proche (Chaíten) est tellement isolée et peu desservie qu'on se croirait d'avantage sur un île qu'à Chiloé. La suite des événements a d'ailleurs bien confirmé cette impression. 







    Arrivés à Chaíten, surprise: c'est une ville fantôme! Vraiment. En 2008, le volcan perché au dessus de la ville est entré en erruption (il dormait depuis près de 10.000 ans le coquin, on a même entendu dire que jusque là les habitants pensaient que c'était une simple montagne). La ville a été recouverte d'un panache de cendres, avant d'être innondée par une rivière boueuse. Les 5000 habitants ont été évacués en urgence, et la zone a été formellement interdite d'accès pendant deux ans. En 2010, levée de l'interdiction, certains sont revenus, ont nettoyé autant que possible, se sont battus pour que l'électricité et l'eau courante soient rebranchés, et se sont réinstallés. Ils sont près de 900 aujourd'hui, au milieu de maisons en ruines et abandonnées.
   Et, dans cette ville fantôme, il est absolument impossible de retirer de l'argent ! Enfin, si, il existe des machines avec le petit logo "visa", mais qui de toute évidence ne sont pas coopérantes avec les touristes. Julia a essayé de faire avouer au banquier (stéréotype du genre,  qui sourit quand on lui explique notre problème et nous propose de changer nos euros à des taux aberrants) que c'est une "MENTIRA", mais sans succès. Oui oui, je sais, une chose intelligente aurait été de prévoir, d'organiser, et de partir avec beaucoup de liquide. Mais aucun des trois n'y a pensé. On a donc changé quelques Euros, et vécu le reste de la semaine à la débrouille (débrouille qui a consisté notammenent à trouver une casserolle dans une maison abandonnée, bien utile par la suite !).


La plage de Chaíten




    En cherchant des solutions pour avoir du liquide, on a rencontré, interrogé, supplié tout le village ... Ce qui a été l'occasion de bonnes rencontres, dont une famille qui nous emmène jusqu'au Volcan. En route, un Pudú ! Le plus petit cervidé du monde, qui ressemble á un croisement entre une biche et un cochon. La famille était très excitée, apparemment c'est un animal qui se montre rarement.

Et voilà le Pudú. J'enrichie la collection d'animaux de Guigui, 
mais à défaut de flechettes endormissantes pour son zoo, je fais du repérage pour ses futurs voyages.

L'ascension du volcan, trois heures de marche dans un paysage inquiétant: pentes nues ou couvertes d'arbres morts; beaucoup d'obsidiennes; au sommet, le volcan qui gronde, la fumée et un paysage lunaire. Je me suis un peu sentie Frodon Sacquet tout le long.
En fait on ne va pas exactement au sommet (on se prendrait des jets d'obsidiennes brûlantes, ce qui n'est jamais tres agreable), mais sur une crète voisine.


À l'intérieur d'un arbre mort.







Selfie ! Traduction pour les vieux les aînés: "autoportrait"). Happy face et nez rouge.


Observation anthropologique: après plusieurs experiences, il semble que l'attitude "guide de haute montagne"
soit chronique et corollaire de la prise d'altitude chez les hommes avec un petit h - aussi sympa soient-ils à une
attitude normale (mais non, merci, vraiment, je veux pas de ton bout de bois tout pourri qui servira plus à m'empaler
qu'à me stabiliser). 



    Aprés la redescente du volcan (vers 21h, on est au rythme espagnol), il a fallu marcher jusqu'au "camping" (un vaste espace désertique et vaguement organisé dont le seul attrait est d'avoir de l'eau), dans la nuit, installer les tentes, et faire un feu pour manger un morceau (oui c'est absolument interdit depuis qu'un touriste a fait cramer XXX hectares, mais on savait pas)

(Aucun commentaire sur ma participation active a la preparation du repas)

Le lendemain,  mise en route pour Caleta Gonzalo, épicentre du Parque Pulmalín.
Plus grande réserve naturelle privée au monde, ce parc de 300.000ha a été créé par un milliardaire américain (Douglas Tompkins, ancien propriétaire des marques Esprit et North Face) et présente la grande qualité de protéger la forêt (Selva valdiviana) des entreprises forestières qui saccagent la nature voisine.





Hors saison, l'endroit est paradisiaque.  Une forêt qui s'étend à perte de vue, des rivières,  le fjord. On a même pu voir des dauphins ! Celles qui se rappellent de ma réaction quand j'ai cru voir un hérisson à Bordeaux peuvent facilement s'imaginer mon état.  J'ai voulu traverser la rivière pour m'approcher au plus près, résultat: de l'eau glaciale jusqu'au nombril (détail pratique: j'étais en robe) une belle plaie au pied, mon appareil photo a de la chance d'être encore en vie, et un peu la trouille aussi (le dauphin c'est pas si éloigné du requin, je n'accorde aucune confiance aux animaux à ailerons).


     Si le "hors-saison" présente l'avantage du peu de monde, il rime aussi avec aucun moyen de se ravitailler. Et c'est à ce moment là que mon angoisse-de-tous-les-jours se réalise: plus de nourriture ! Après avoir partagé en trois la dernière boîte de sardines (en grognant), on se décide à faire du stop pour rentrer vers Chaíten. Mais depuis le nord, les seules arrivées de voiture possibles se font en ferry, une fois par jour, à 17heures. Attente / faim / mauvaise humeur de moi.
On a finalement pu arriver à Chaíten, et les gérants du minimercado ont dû être bien surpris de voir débarquer trois touristes affamés.  
Et le stop a repris. Une nuit en "Cabaña", pour se reposer un peu, et parce que les filles qui nous ont pris en voiture s'y arretaient, sans camping aux alentours. Non sans joie, on retrouve l'eau chaude, le lit, et la cuisine.


     Le lendemain, remise en route à une centaine de kilomètres de Chaíten, et à encore 200 km de notre destination. Pluie, froid, et les rares voitures qui passent à ce momento là semblent assez peu portées sur l'idée du stop.


Mais ô miracle, le seul bus de la semaine passe précisément ce jour là, et après un sprint de cent mètres, mochillas sur le dos, on peut monter à bord.




En fin de journée, on arrive enfin au parque national Queulat, sur la commune de Puyuhuapi.
Un peu avant l'entrée du parc, un bus, abandonné, avec tout ce qu'il faut pour dormir et manger.
Bon, encore une fois c'est très cliché... Mais c'etait quand même mieux que la tente.






      Au réveil, rando, avec dans l'idée d'aller voir le Ventisquero Colgante, un glacier suspendu. On traverse le "bosque siempre verde", forêt dont le nom s'explique par la pluie dementielle qui tombe en continue (entre 3,5 et 4m par an), et qui la rend donc pleine de mousse, "toujours verte".   




   Après trois heures de marche, on arrive enfin au sommet, pour voir... rien ! Le glacier joue à cache-cache avec les nuages, et le fait ma foi plutôt bien. Alors on l'entend qui gronde, on devine une couleur bleutée dans les nuages, mais c'est tout.

Heureusement, il y avait aussi des oiseaux pour s'occuper. 




Et même sans avoir pu voir le glacier, le chemin en lui-même est tout un spectacle




fatigués ?

    En redescendant, fatigués de dormir mal et dans le froid (moi ca va, j'avais un duvet, pas les autres) on essaie le stop pour aller jusqu'à Coyahique. Une voiture s'arrête, des marcheurs justement qui rentrent à Coyahique. On s'entasse à trois sur deux sièges arrières de la voiture. Cinq heures de route en travaux, avec des passages à flanc de montagne, on serre les fesses (déjà bien serrées cela-dit). On arrive de nuit à la ville, on trouve un hospedaje et on dort.



     Et ce week-end là, le 8 décembre, c'est la fête de l'immaculée conception, jour ferrié [Parenthèse: lors de cette fête, il y a au Chili un pèlerinage de la Vierge, depuis Lo Vásquez à Valparaíso: 600 000 fidèles parcourent une cinquantaine de kilomètres, dont les derniers se Font à genoux, en signe de pénitence. Mais rien vu de tel au sud !]
Du coup les deux marcheurs, Julio et Ricardo, ne travaillent pas, et nous proposent de partir le lendemain voir les "capillas de mármol", au Lago general carrera.
La route (cinq heures quand même, ca fait bien relativiser les distances en France) est absolument magnifique. De grandes vallées fleuries de lupins violets, jaunes et roses, et bordées de falaises toutes droites. Ca rappelle un peu Yakari, avec le bison blanc je crois, quand il y a tout un monde derrière ces fameuses falaises (et on salue les références littéraires).







Le Lago General Carrera, c'est un des nombreux lacs du Chili aux eaux couleur émeraude, mais c'est l'un des plus grands. Il se prolonge du côté Argentin, et il s'etend en tout sur 1850km2, soit plus de trois fois le lac Léman (d'ailleurs Lévi, je rigole toujours en repensant à notre passage à Genève, quand tu demandais aux suisses la direction de "l'étang" - l'un des plus grands lacs d'Europe).


     Partis vers 10 heures, on arrive vers 15 heures, et la priorité est de manger (ce que l'on fait plutôt bien). Sauf que pendant ce temps, le vent s'est levé, et qu'il est interdit de naviguer sur le lac. En insistant un peu, on apprend qu'un peu plus loin, un pêcheur peut sortir son bateau sans être vu des gardes, et pourrait nous emmener. On y fonce donc et ouf, on peut aller voir las capillas de Mármol.


     Des falaises de marbre, mangées par l'érosion, polies et excavées par la puissance des eaux. Elles formes des ilôts au milieu du lac, en forme de gros champignons rocheux flottant sur les eaux turquoises. À l'intérieur, des arches, certaines arrondies, d'autres au contraire aigues. Très joli.










      Après une dizaine de jours à descendre ensemble la carretera austral, on décide qu'il est temps de nous séparer: Julia part au nord, Patt à l'ouest, et moi au sud.
Mais le problème, c'est qu'il n'est pas si évident que ca de partir de Coyahique. On peut remonter la carretera austral, mais très long, ou traverser le lac pour se rapprocher de la frontière, mais horaires impossibles à definir avec precisión (chaque personne à qui on demande réfléchit quelques secondes puis nous donne une réponse qui ne corrrespond pas du tout aux autres réponses recueillies).
    Et la solution est venue comme par miracle, du petit fils des gérants de l'hospedaje, Felipe. Il nous emmène en voiture, nous fait traverser le lac, nous loge à Chile Chico, nous emmène le lendemain plusieurs fois à Los Antigos en Argentine pour nous permettre de prendre nos bus respectifs. Merveilleux !




Grâce à Felipe, découverte aussi du rodéo (oui oui).
Très présent dans le sud du Chili (mais peu médiatisé), c'est une véritable institution. En fait, le mot "rodéo" vient de "rodear", entourer, encercler. À l'origine il s'agissait pour les fermiers (à cheval) de rassembler le bétail pour le marquer.
Aujourd'hui c'est un sport, avec des règles très précises, des costumes, etc.





Dans cette histoire, on plaint juste un peu les vaches qui ont rien demandé à personne







Et noël arrive ! Beaucoup de décorations partout, qui me font beaucoup rire (la neige sur le toit des maisons, alors que noël a lieu en été...)