rappel géographique

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Et l'été fut

Près de 1300 km et des milliers d'heures plus tard... 
je quitte le bus en jean, baskets et sweet (le minimum vital pour Ushuaia ET pour le bus où son se caille caille caille aussi), je pose un pied sur le trottoir poussiéreux d'El Bolson. Et j'y meurs de chaud ! Ca y est, sans transition, c'est l'été, il fait beau et chaud, des fleurs partout, des rivières, ca sent bon et on mange des fruits sur les arbres. 

Des jours tous doux à El Bolson. 
Petite ville construite un peu n'importe comment (le quadrillage argentin des villes est beaucoup plus fantaisiste que celui des voisins chiliens), El Bolson s'étend le long de la rivière Quemquemtreu ("pierre qui roule" en Mapuche), entre les montages Nevado et Piltriquitón. Après toutes les étendues plates et venteuses traversées, c'est le paradis. 
Une communauté hippie s'y est installée dans les 1970. Aujourd'hui, la ville n'a de hippie (à mon humble avis) que la réputation, et tout ce qui peut se vendre. Mais elle est bien agréable.

la rivière Quemquemtreu. Reste à trouver la traduction de "n'amasse pas mousse"



     J'ai retrouvé mon ami Pattrick-l'australien dans une auberge où il travaille un petit moment. L'endroit était sympa, avec des petites maisons en terre-pierre-bois, des animaux partout, et des cours de Yoga au lever du jour (bon, d'accord, ca c'est un peu hippie). Et puis, ca a été un lieu de bonnes rencontres, comme Daniela, argentine (retrouvée ensuite à Bariloche), ou Isabelle la québecoise (qui m'apprend le québecois, pas si simple, le shum, la moppe, la moumoune, le séchoir et le costume de bain). 



     Mais je ne suis pas restée longtemps à l'auberge, juste le temps de m'organiser un peu, pour partir en couch-surfing chez Noelia et Tincho, un couple de quadragénaires installés à El Bolson depuis qelques années. Incroyables et merveilleux. Des heures passées à discuter de leur vie, de leur pays, de leur histoire, de l'état du monde et de nos projets. Tous deux originaires de Bariloche, ils se sont connus ados. Ils ont grandi sous la dictature militaire (1976-1983, la "guerre Sale", au cours de laquelle tout "élément subversif" - selon une définition pour le moins vague - est arbitrairement séquestré, torturé et assassiné ou "porté disparu". 30.000 personnes disparues. Ca fait beaucoup de subversifs). Lui se souvient d'un jour où les militaires ont fait une descente chez lui, toute la famille les mains en l'air et face au mur, la maison retournée. Heureusement, ces militaires là ne connaissaient pas Trotsky, ce qui a évité à toute la famille de se faire descendre pour le simple fait d'avoir un de ses livres dans la bilbiothèque. Dans les années 90, au moment du "ménemisme", (mouvement ultra-libéral, privatisations, hyperinflation, l'écart social se creuse et près de dix millions d'argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté), tous deux ont fui l'Argentine: elle en Europe, lui aux USA. Et puis un jour, vingt ans plus tard, par hasard, ils se sont re-croisés en Allemagne, et les voilà maintenant à El Bolson.
Les principaux problèmes actuels du pays, selon eux: la corruption, et l'exploitation massive de soja pour les chinois, qui tue tout le reste et laisse une empreinte durable à grands coups d'ogm. 



     Des journées toutes plus belles les unes que les autres. Promenades à pied, à vélo, en cueillant des cerises et des framboises sur la route, pour rejoindre des rivières et des lacs aux eaux transparantes. Daniela m'a enfin fait aimer le maté, et nous en apprend tous les codes (elle remplit le "maté" -récipient- de "maté" - herbe - et d'eau chaude, puis elle le passe à chacun, par la droite, il faut terminer son eau avant de le rendre, ne surtout pas bouger la sorte de paille en métal, et ne dire merci que quand vraiment on n'en veut plus. C'est fou, ici chacun se promène avec son attirail de maté, et il y a des distributeurs gratuits d'eau chaude dans les stations de bus).


"La Cabeza del Indio", vous comprendrez bien pourquoi. Les deux petits trucs en dessous sont Patt et moi. 

Daniela sur le joli-pont-pas-dangereux-du-tout

Río Azul



Isabelle et Nicolas, et le vélo fatigué. 








    Et pour terminer, la vue depuis mon spot-internet, à coté de la fac de Noelia. Ceux qui qui m'ont skypé reconnaitront. La montagne est très impressionnante, avec ses rochers à vifs. Le soir, le soleil lui donne une jolie couleur orangée, qui rapetisse et rapetisse et rapetisse, jusqu'à ce qu'on ne voit plus qu'une silhouette noire sur le fond bleuté (mais quelle poète-pouète !)



    Et puis, comme toutes les bonnes choses ont une fin, il a fallu partir (un impératif tout relatif, vu qu'imposé seulement par moi-même).
Trois petites heures de bus, traversée du parc national nahuel huapi, des paysages magnifiques à flanc de montagne et au bord de lacs.



Arrivée à Bariloche.
Une ville, une grosse ville, une trop grosse ville pour moi.
Ici, ils l'appellent la Suisse Argentine. Parce qu'il y a des lacs, des forêts de sapins, des montagnes, des maisons en bois et du chocolat. 

Mais mais mais... une cathédrale gothique en argentine ? 
En fait c'est du faux-gothique du XIXème siècle, cqfd. 

Mais bon, en plus des maisons en bois, on trouve aussi ca:

Non, je n'y suis même pas allée

Ou encore, ca:



Enfin bon, on comprend bien que les barilochiens ne savent pas trop où ils en sont.
Et puis, Bariloche, c'est surtout "naziland", la ville où se sont réfugiés bien des SS, avec la bénédiction du président de l'époque (Juan Perón). Erich Priebke, Josef Mengele, Adolf Eichman, toute la clique quoi, pour une paisible retraite au bord du lac. Certains disent même y avoir vu Adolf Hitler. Mais bon. 
(il y a, en sortant de la ville, une petite boutique spécialisée dans la vente de savons et abajours "100% naturels" ... Je suis la seule à trouver ca de mauvais gout ?) 

Aujourd'hui, peut-être la ville est-elle finalement surtout Argentine, avec une culture et des problématiques argentines ?



Sur la place centrale, une statue de Julio A. Roca. Celui qui, au XIXème siècle, a lancé l'opération "guerre du désert", 
ou l'extermination systématique des populations natives de Patagonie.


    Une fois compris le fonctionnement des bus-de-ville (pas si simple, les plans indiquent les destinations, mais pas les arrêts, c'est souvent au petit-bonheur-la-chance) j'ai fui pour les alentours. Magnifiques, encore une fois. Des lacs partout, et surtout des forêts (je realise maintenant à quel point ca m'a manqué au sud), de Coihues et d'Arrayanes. Mais j'avoue, je mets un peu de coté les grosses randos, il fait trop chaud et j'ai un genou en capilotade.

Oui ma Leïla, c'est ton T-shirt... 

Daniela, devant le lago Gutiérrez

Et le même lac, vu d'en haut. 















Lago Nahuel Huapi 



Fermin, Daniela et Joachim, lago P. Moreno Oeste



Les coihues. Des arbres immenses, qui poussent dans les lieux humides. 
Ils me fascinent complètement, je marche le nez en l'air (et je chois parfois)


         En face de Bariloche, sur la rive nord du lac, il y a la petite ville de Villa Angostura. Bien plus tranquille que Bariloche, et tout aussi beau. Et un peu à l'ouest, il y a la forêt des Arrayanes, des arbres couleur cannelle, qui ont l'air de pousser comme il leur chante, parfois tous droits, parfois en faisant des noeuds. 
En y allant, rencontré Sabrina, argentine, qui fait du théâtre et de clown, on a de suite bien accroché, pour ne plus se séparer ensuite. C'est agréable, d'enfin réussir à parler suffisamment espagnol pour avoir des conversations sérieuses, ET pour pouvoir faire des blagues et rigoler aussi.  


Sabrina
lago nahuel huapi, mais coté nord du coup.

Sabrina toujours



Une Arrayane vieille



Voilà, sur ce je repars, pour Mendoza, on verra bien.


("la casa de Sofi". J'y serai bien pour l'hiver)

jesaispasencoreoùmaisj'yvais

Des milliers d'heures de bus, après le sud, le nord le nord toujours un peu plus, quelques arrêts pour se dégourdir les gambettes, de surprenants endroits. 

(Arrivée à Bariloche, trop grosse ville, transition rude après une semaine de bonheur tranquille à El Bolson, je me remets donc devant l'ordi pour terminer ces histoires de bus).

Derniers jours à Ushuaia compliqués par l'arrivée soudaine d'une quarantaine d'israéliens, peu enclins à parler anglais,  encore moins espagnol, mais par contre bien bien enclins à me réveiller tard la nuit ou tôt le matin. (Beaucoup d'israëliens en voyage après leurs deux ou trois ans de service militaire. La plupart très très très contents de cette expérience, ils montrent des photos avec uniformes, armes, et en marchant au pas. J'essaie d'en savoir plus sur ce qui se passe vraiment pendant ce service, mais les réponses sont assez floues. Écoutes téléphoniques; surveillance d'avions; livraisons. De manière générale, "enquêter sur l'ennemi" (bien bien bien...))
Du coup j'ai sympathisé avec Natanael, 6 ans, fils de la femme de ménage, qui m'offrait tout ce qui lui tombait sous la main (de la barette-papillon aux brochures de magasins de sport).

Et c'est en lui apprenant à jouer à la bataille que j'ai compris à quel point ce jeu n'a aucun intérêt.

Embarquement mardi 6 à 5h du matin pour non pas 3, ni 10, mais bien 20h de bus !
Avec un changement à Rio Gallegos, ville un peu tristoune, vide aux alentours de la station de bus. Commentaire bien représentatif du guide du routard (lu après): "On peut dans la plupart des cas éviter d'y passer une nuit. Mais au cas où vous ne pourriez pas faire autrement...".
Beaucoup beaucoup de vent, les sacs en plastique s'envollent et s'accrochent et s'entassent aux barrières, un carrefour (oui oui, le supermercado), et une fête forraine abandonnée.









Le bus... c'est long. Les mêmes films en boucle. De la nourriture douteuse, très douteuse. Mais des sièges plus que confortables.







Re-passage (obligatoire) à El Calafate, dans la même auberge, avec l'aubergiste (?) un peu plus enceinte que la dernière fois. Et des ciels merveilleux à la tombée du jour (une autre hypothèse, m'a t-on dit, au nom "tierra del fuego"... mais bon, là on en est à six-cent kilomètres, de la terre de feu).



Et vendredi 8, encore du bus, cette fois 25 heures, lalala, avec El Bolson comme objectif.